Muette

Eric Pessan

Albin Michel

  • Conseillé par
    25 avril 2014

    fugue, nature

    Ouvrir ce roman, c'est entrer dans l'univers de Muette (dont on ne saura jamais le vrai nom).

    Une fugue préparée de longue date, au gré de ses pérégrinations en vélo dans la campagne lors des vacances et des mercredis passés seule.

    Une jeune fille seule, bonne élève mais effacée en classe ; qui prête l'oreille au "qu'en-dira-t-on" ; qui, à la maison, subit les reproches de sa mère et les silences de son père.

    On comprend, au fil des pages, que Muette n'est pas une enfant désirée ; que le mariage forcé de ses parents part à vau-l'eau.

    Muette nous fait découvrir la campagne des bords de Loire, la nature étant de plus en plus présente au fil des pages.

    L'image que je retiendrai :

    Celle du cerf qui hante les bois autour de l'abri de Muette, et qui hante les pages du roman.

    http://motamots.canalblog.com/archives/2014/04/12/29412804.html


  • Conseillé par
    28 décembre 2013

    Muette

    Muette, jeune fille de 17 ans, lasse de s'entendre répéter toujours les mêmes remarques de la part de ses parents, a fui la maison pour gagner un lieu isolé non loin de là.
    Elle nous livre ses pensées intimes entrecoupées de phrases désobligeantes et particulièrement négatives que lui adresse constamment sa mère.
    On comprend Muette et son envie d'échapper à ce quotidien oppressant : une famille sans amour, les misères de ce monde ... pour se retrouver au plus près de la nature.
    Une manière peut-être d'amener ses parents à changer leur comportement à son égard?
    Une histoire plutôt difficile qui montre une adolescente avide de tendresse alors que ses parents en sont complètement dénués.


  • Conseillé par
    26 octobre 2013

    Parce que les mots assénés sont parfois plus violents que les coups, parce que l’indifférence, l’humiliation permanente et le manque d’amour creusent des abîmes, Muette fugue. A 17 ans, la jeune fille a prémédité son départ. Pas très loin de la maison parentale, ce lieu où les petites phrases assassines, mesquines fusent sur elle comme des balles. Les mots, des situations blessantes la lestent. Pour se débarrasser de ce fardeau, elle va se cacher dans la nature.

    Muette ne parle pas par choix « Manier les mots, Muette sait le faire ; ouvrir la bouche, arrondir les lèvres et tordre la langue pour articuler des phrases, elle y parvient si bien que beaucoup se leurrent et ne voient pas qu'au fond d'elle, elle est Muette ». Ne pas répondre aux provocations, aux méchancetés de sa mère. Muette enfant non désirée , élevée par des parents pour qui elle ne compte pas et qui se contentent de leurs vies restreintes. La nature lui offre la paix, le silence. Cette harmonie qu’elle ne trouve pas dans sa famille. Elle n’a pas de quoi tenir longtemps. Juste quelques provisions qui ne lui permettront pas de vivre plusieurs semaines. Elle le sait. Elle se demande si ses parents vont s’inquiéter ou être contents. Muette profite de cette parenthèse dans cette grange abandonnée pour faire corps avec la nature, se couper du reste du monde.
    Le récit de la fugue de Muette est entrecoupé des paroles de sa mère comme « Tu es empotée ma pauvre fille, Elle nous en donnera du souci, Epargne-moi la honte ».

    Je pourrais taire que ce roman sur l’enfance et l’adolescence saccagées par des parents a trouvé un écho en ma personne. Si je n’ai pas entendu des mots aussi durs que Muette, ils l'étaient suffisamment pour que je passe des heures dans la nature à les déposer sur l’écorce d’un arbre ou l’humus de la terre. Essayer de les chasser, rêver d'une autre vie car les mots font mal tout comme le sentiment d'être un poids.

    Aucun pathos et l'écriture d'Eric Pessan est sensible, poétique et sans fioriture.
    Un livre que t’ai lu les yeux remplis de poissons d’eau. Vibrant, douloureux, cruellement beau comme un cri qui déchire une gangue de silence...


  • Conseillé par
    30 août 2013

    Ce superbe roman est construit autour de Muette, seule. Les autres intervenants se dévoilent dans les pensées de la jeune fille : son père et sa mère, autoritaires, fuyants, colériques, totalement dénués de tendresse envers elle -l'amour, n'en parlons même pas-, qui l'assaillent de réflexions du matin jusqu'au soir :"jusqu'au bout elle nous fera chier", "Putain de gamine, tiens.", "Arrête de mentir", "ne raconte pas n'importe quoi", ... Ces réflexions entrecoupent le cours des pensées de Muette, coupant parfois la phrase en son mitan, qui reprend ensuite comme si elle n'avait pas été interrompue. Muette fuit des parents pas aimants trop encombrés de leurs propres soucis, de leurs propres vies et trop englués dans leurs vies actuelles pour s'occuper de leur fille : "Muette espère que ses parents auront mal en découvrant sa fuite, elle sourit presque,
    tu auras ma mort sur ta conscience
    elle aimerait leur porter un coup et que ce coup soit le plus douloureux possible. [...] Elle voudrait qu'ils souffrent, qu'ils se déchirent. Muette aimerait être le vinaigre sur la plaie." (p.50)

    C'est un roman très lent, qui s'attarde avec bonheur sur la nature, la faune et la flore et sur Muette et ses pensées. Elle veut prendre son temps, celui d'admirer le monde qui l'entoure de le vivre intensément sans adulte qui la brime ou l'empêche de profiter. Elle ne veut plus assister au spectacle du monde à travers les journaux télévisés, car Muette vit dans son corps et son esprit les malheurs des autres, elle ne peut passer d'informations dures telles les guerres, les émigrés -futurs immigrés "Ces hommes [qui] marchent vers l'endroit exact que Muette souhaite fuir. Ils risquent leur vie pour trouver ce dont Muette souhaite se délester" (p.69)- aux sorties cinéma du jour. Les thèmes du langage, de la solitude qu'Eric Pessan évoque longuement, ne serait-ce que dans le titre du livre, nom de la jeune fille, font déjà une grande partie de l'un de ses romans précédents, l'excellent "L'effacement du monde" et il ajoute un petit clin d'œil à la fin à son roman précédent "Incident de personne, indiquera la SNCF, et les gens râleront à cause du retard, [...]"
    C'est un roman bourré d'émotions, de passages plus beaux les uns que les autres. Profonds, le roman ainsi que le personnage de Muette. Eric Pessan écrit très bien, colle au plus près des sentiments, des émotions de Muette et parvient à nous les faire ressentir. Une écriture fine, délicate, poétique, exigeante et accessible. Un livre qu'on lit lentement, j'ai même ralenti mon rythme habituel de lecture pour profiter de tous les mots, de toutes les phrases et pour passer un moment le plus long possible avec Muette, dans la grange. En tout bien tout honneur, bien entendu elle est une jeune fille que l'on a envie de protéger, de réconforter, de soutenir. Elle est un personnage formidable, une jeune fille qui vit là son passage vers le monde des adultes, mais pas celui de ses parents, son monde à elle en osmose avec la nature, avec elle-même. C'est tout le mal qu'on peut lui souhaiter.
    Assurément un des très grands romans de cette rentrée.