La battue

Gaël Brunet

Le Rouergue

  • Conseillé par
    27 août 2013

    Olivier, trentenaire, vit à Paris depuis qu'il a quitté ses Alpes natales. Une lettre de sa mère, qui lui rappelle, l'air de rien, que le temps passe et qu'elle n'est plus toute jeune, ainsi que l'insistance d'Anouk, sa compagne, qui voit là une occasion de faire enfin connaissance avec ses "beaux-parents", finit par le décider à s'y rendre pour quelques jours.
    Voilà cinq ans que lui-même n'a pas vu ses parents, et il devient rapidement évident qu'il entretient avec son père des relations fondées sur le mutisme et la rancœur. Nous apprenons, par bribes, que le décès de Marc, son frère aîné, est à l'origine de cette situation.

    Son retour dans la maison familiale fait surgir chez Olivier d'amers souvenirs de son enfance, et ravive la douleur que la mort de Marc et l'indifférence de son père ont ancrée en lui. Il est assailli de sensations liées à son passé, la moindre odeur, le moindre son, faisant naître des réminiscences souvent importunes. Car ce dont se remémore surtout le narrateur, c'est d'avoir été le plus petit, le plus faible, l'insignifiant dissimulé dans l'ombre d'un aîné au physique d'athlète, au fort caractère, à qui tout réussissait, jeune garçon promis à une brillante carrière de champion de ski, dont la brutale disparition a fini de creuser le fossé qui séparait Olivier de son père.
    Pour lui, le cadet, l'avenir était également tout tracé : il reprendrait l'élevage familial de chèvres. Mais le "petit" en a décidé autrement, en fuyant littéralement vers la capitale dès son baccalauréat en poche...
    D'une plume limpide, efficace, Gaël Brunet exprime par des détails significatifs -les regards, les silences- et avec beaucoup de justesse, les émotions de son héros, et le cheminement qui, durant ce court séjour dans ses montagnes natales, l'amène inévitablement à la confrontation avec ce père dont il a toujours désespérément recherché l'affection et la reconnaissance.
    Face à ce père taiseux, hostile, Olivier se retrouve dans un premier temps comme un petit enfant, incapable de contrôler la situation et le flux des sentiments qui le submerge.
    Tout comme son mal-être, la tension est palpable, et le lecteur, d'emblée, s'attend à ce qu'elle culmine avec la battue au loup prévue à la fin de son séjour, et à laquelle il a décidé de participer, y décelant l'opportunité de pouvoir enfin régler ses comptes avec son père...
    Hormis sa fin, que j'ai trouvé trop convenue, j'ai vraiment apprécié ce roman à l'écriture sensible et élégante.


  • Conseillé par
    24 avril 2013

    Effectuer une battue : Chasse où les rabatteurs effraient le gibier pour les orienter vers les tireurs. Action d'explorer systématiquement un terrain en groupe afin de retrouver une personne ou des objets.

    Olivier vient à contrecœur voir ses parents dans les Alpes. Là où il va vécu, là où il est parti pour Paris. Cinq années se sont écoulées depuis la dernière fois où il a mis les pieds au chalet en se jurant de ne plus revenir. Mais sa mère l’a convaincue par une lettre, sa mère à qui il ne peut faire aucun reproche sauf celui de vouloir éviter les disputes, les éclats de voie. "Depuis longtemps, ma mère s’est barricadée dans le présent, redoutant de revenir sur notre vie d’avant, d’avoir à se remémorer certains souvenirs qui forment autant de mâchoires intérieures ". Sa compagne Anouk a envie de connaître ses parents sur lesquels il n’a jamais été trop bavard : "En dire le moins possible. Pour ne pas ouvrir une brèche dans le mur que je me suis efforcé de construire, pierre après pierre", mais il a fini par céder. Un père taiseux qui par son silence vous oppresse, vous mets mal à l’aise et en deux mots vous envoie valdinguer. Un père qui refuse de répondre aux questions, d’entamer la conversation. Un coup de main dans le vide pour les chasser, un regard noir en tout et pour tout.
    Olivier a vécu dans l’ombre de Marc son frère aîné. Skieur émérite et et voué à une grande carrière, la fierté de son père. Pour lui l'avenir était imposé sans avoir le choix avec la reprise de la petite exploitation familiale. Marc est mort lors d’un accident où son frère était présent. Olivier a passé son enfance puis son adolescence à faire semblant avec le sentiment de n’avoir pas place dans la famille. Depuis la mort de son frère, son père l’a relégué dans un no man’s land. Même son frère mort est bien plus présent dans la vie de son père que lui. Une battue est prévue au village, Olivier veut y participer pour enfin crever les abcès. Je n'en dirai pas plus sauf que ce livre a réveillé en moi des souvenirs, l’image d’une personne semblable au père d’Olivier. Les silences, les non-dits qui vous étouffent, je connais.

    Alors, oui, j’ai lu ce livre avec des larmes qui coulaient sur les joues et la gorge serrée. Gaël Brunet sait mettre des mots sur ce qui est presque indicible, décrire une ambiance avec force et sensibilité. Pas de pathos, juste une famille avec ses béquilles et un fils qui veut enfin les balancer pour se libérer et vivre.
    Un roman qui vous le comprendrez est plus qu’un coup de cœur ! Maintenant, l'éponge que je suis n'a plus qu'à déverser son trop plein d'émotions...