• Conseillé par
    11 août 2019

    Vietnam

    Un homme se promène au premier jour du printemps dans la forêt de Chantilly sur les sentiers de Nerval.
    Il repense à son enfance à la campagne au Vietnam : son grand-père pour qui il développe une affection particulière, ses parents morts assassinés, son enfance au milieu de ses cousins et cousines, sa passion pour la langue française.
    Il s’attache particulièrement à Tiên, sa cousine dont le père, qui travaille à la ville, se prend de passion pour le combat communiste et entraînera sa femme et ses enfants.
    Devenu étudiant à Saigon, il gagne sa vie en devenant le soutien d’une veuve française.
    Malheureusement, rentré dans sa famille pour les fêtes de fin d’année du Têt, il est en première ligne lors de l’offensive communiste.
    J’ai aimé voir grandir le personnage principal au milieu des arbres et des senteurs. J’ai aimé leurs noms aux consonances dépaysantes.
    Les fées sont souvent présentes dans le récit, comme une touche de féminité en plus.
    J’ai pleuré avec lui du décès de sa cousine, et de celles et ceux qui mourraient autour de lui lors de l’offensive du Têt.
    J’ai goûté sa poésie si particulière qui mêle les senteurs et les couleurs, mais toujours un mot aux lettres espacées, comme pour symboliser le vide que laissent les absents en nous.

    Un roman qui a su me toucher par son propos et qui a laissé mon mouchoir trempé.

    L’image que je retiendrai :

    Celle du personnage se promenant souvent au milieu des tombes de ses parents, ou des tombeaux plus historiques.

    Une citation :

    L’enfance était le pays des rêves de sable et des cités fragiles, où l’on bâtissait des palais en sachant qu’ils ne dureraient pas. (p.135)

    https://alexmotamots.fr/sous-le-ciel-qui-brule-hoai-huong-nguyen/


  • Conseillé par
    6 juillet 2017

    Sauvé par la poésie

    Tuân se promène dans la forêt de Chantilly , paysage cher au cœur de Gérard de Nerval, son poète préféré. Il cherche les premières jonquilles ou le fantôme d’une jeune fille. Ces paysages qu’il a tant lus le replongent dans son enfance.

    Ce vietnamien est arrivé en France en septembre 1968, lourd de nombreux deuils qui ont jalonné sa vie. Né près de Hué, ancienne capitale impériale du Vietnam, il vit à Shui avec toute sa famille, grand-père, oncles, tantes et cousins. Ses parents sont massacrés par des voleurs alors qu’il n’a que cinq ans. L’enfant s’attache alors à son grand-père et se laisse bercer par les contes enfantins d’auteurs français. Même si certains le jugent « traître à son pays », Tuân aime particulièrement la langue française.
    À la mort de son grand-père, il se rapproche de sa tante, mariée très jeune à un fils de famille aisé qui passe sa vie loin de son foyer et s’engage dans la lutte armée auprès des Viet-minh.
    Au printemps 1954, cet oncle emmène toute sa famille dans la zone de combat du Nord. La séparation avec sa tante et surtout sa jeune cousine avec laquelle il partageait ses lectures fut un traumatisme pour Tuân. C’est à cette période qu’il trouve refuge dans la nature et dans l’écriture de poèmes.
    « Au nord s’installa un régime communiste qui mit au pas toute la société à travers une révolution prolétarienne qui s’imposa par la violence. Au sud, le gouvernement libéral ne parvint pas à instaurer la démocratie promise. »

    Tuân part à Saïgon pour suivre des études en lettres françaises. Afin de gagner un peu d’argent, il travaille pour une veuve française qui le pousse davantage vers la culture française et l’écriture.
    « Le monde serait meilleur si les hommes qui avaient écrit un jour des poèmes n’avaient pas cessé de le faire. »
    Alors que l’autel des ancêtres s’agrandit avec la mort de sa tante et sa cousine, Tuân va vivre l’enfer en cette nuit du Têt lors de l’offensive nord-vietnamienne sur Hué.
    Seuls les vers d’un poème de Rimbaud le tiennent en vie en cette nuit d’horreur.

    Une fois en France, Tuân se ressource dans les paysages de Nerval. La nature et l’écriture apaisent son sentiment de culpabilité, ses pensées suicidaires.
    « Mais ce fut aussi en France qu’il découvrit à quel point il aimait son pays, autre paradoxe incompréhensible des exilés. »

    Avec ce texte assez lent mais lyrique, Hoai Huong Nguyen dresse un portrait du Vietnam des années 40 à 70. Elle partage aussi les traditions familiales de ce pays, la luxuriance des paysages notamment avec la visite de la Citadelle impériale. Avec la magie des mots, de la poésie, les parfums de la nature, l’auteur apaise les souffrances d’une horrible guerre. C’est un texte en ombre douce avec un personnage marqué par le deuil mais sauvé par son amour des lettres françaises. La langue de l’ennemi est aussi la langue des Lumières. Tuân a été bercé par l’exotisme des contes français, porté par la poésie de Nerval. Le courage de survivre ne peut se trouver que dans les paysages nervaliens chers à son cœur.